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Afrique : Oxfam pointe encore la mauvaise répartition des richesses

Afrique mon Afrique ! Quand est-ce que tes inégalités prendront fin ? Selon un nouveau rapport d’Oxfam, les quatre premiers milliardaires du continent sont plus riches que la moitié de la population, soit 750 millions de personnes. Pour régler le problème, l’ONG conseille notamment de taxer davantage les plus fortunés, très protégés par les systèmes fiscaux, une aberration.

L’Afrique est un continent dynamique. Depuis plusieurs années, elle connait une croissance remarquable, à deux chiffres pour certains pays. Résultat : le nombre de milliardaires sur le continent augmente sans cesse. S’il n’y en avait aucun en l’an 2000, ils sont désormais 23, cumulant près de 112 milliards de dollars. Mais ça c’est l’envers de la médaille. Le revers c’est la pauvreté galopante malgré les richesses.

Les inégalités se creusent en Afrique en dépit de la croissance économique

En effet, les inégalités se creusent en même temps que la croissance économique se poursuit. Aujourd’hui, les quatre milliardaires les plus riches d’Afrique détiennent une fortune qui dépasse la richesse combinée de la moitié de la population du continent, soit 750 millions de personnes. C’est ce qu’indique un nouveau rapport d’Oxfam publié le jeudi 10 juillet, à l’occasion du sommet de coordination de l’Union africaine (UA) à Malabo, en Guinée Équatoriale.

Les 5 % les plus riches d’Afrique détiennent plus du double de la richesse combinée du reste du continent, selon Oxfam

Les quatre personnalités les plus riches d’Afrique sont Aliko Dangote du Nigeria (23,3 milliards de dollars), Johann Rupert et sa famille (14,2 milliards de dollars), Nicky Oppenheimer et sa famille (10,2 milliards de dollars), tous deux d’Afrique du Sud, et Nasser Sawiris d’Égypte (9,4 milliards de dollars). Oxfam note également que les 5 % les plus riches du continent détiennent une fortune de près de 4 000 milliards de dollars. Ce qui représente plus du double de la richesse combinée du reste de l’Afrique. Ces chiffres font du berceau de l’humanité, l’une des régions les plus inégalitaires du monde avec des taux de pauvreté parmi les plus élevés.

Oxfam accuse les gouvernements africains de dilapider les richesses du continent

D’après Oxfam, sept personnes sur dix vivant dans l’extrême pauvreté dans le monde habitent en Afrique, contre seulement une sur dix en 1990. Une vraie régression en trente ans. L’ONG relève également que la faim s’aggrave, avec près de 850 millions de personnes souffrant de ce fléau, soit 20 millions d’individus en plus depuis 2022. Ces chiffres peuvent choquer d’autant que le continent est l’un des plus gâtés par la Nature.

« Les richesses de l’Afrique ne manquent pas, elles sont dilapidées par un système truqué qui permet à une petite élite d’amasser d’immenses fortunes tout en privant des centaines de millions de personnes des services les plus élémentaires. Il ne s’agit pas d’une malchance. C’est un échec politique, et cela doit changer », explique Oxfam.

Réduction des budgets alloués aux services publics

Oxfam déplore d’ailleurs le fait que les gouvernements africains restent les moins engagés au monde dans la réduction du fossé entre riches et pauvres, malgré l’aggravation de la faim et le creusement des inégalités. Pis, les dirigeants continuent de réduire les budgets alloués aux services publics tels que l’éducation, la santé et la protection sociale, tout en offrant parallèlement aux ultra-riches des impôts sur la fortune parmi les plus bas du monde. De plus, ils n’utilisent pas à bon escient les financements des bailleurs de fonds. Selon un précédent rapport d’Oxfam et de Development Finance International, 94 % des pays africains bénéficient de prêts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), soit 44 pays sur 47. Mais ils n’en font rien de bon.

Certains pays africains taxent bien les fortunes

Face à ce tableau noir, Oxfam appelle les États africains à plus de responsabilités vis-à-vis de leurs citoyens et à une bonne gestion des ressources. L’ONG les invite surtout à taxer les riches pour investir cet argent dans la population. Elle rappelle que l’Afrique est le continent qui taxe le moins les fortunes et qui asphyxie le plus les petits ménages avec des impôts au-dessus de leurs moyens. L’organisation félicite tout de même certains gouvernements qui montrent l’exemple. C’est le cas du Maroc et de l’Afrique du Sud. Ces pays perçoivent respectivement 1,5 % et 1,2 % de leur PIB en impôt foncier (contre 0,3% pour tout le continent et 1,8% pour l’OCDE).

Oxfam conseille de taxer davantage les plus riches

Oxfam cite également les Seychelles, où le gouvernement fait une redistribution des richesses. Après des années d’application de cette justice sociale, 50 % des plus pauvres ont vu leur part de revenu augmenter de 76 % depuis 2000, tandis que 1 % des plus riches ont perdu les deux tiers de leur fortune colossale. L’État seychellois peut ainsi garantir les services de base comme les soins de santé universels, une éducation gratuite et de qualité, ainsi qu’un solide système de protection sociale pour les plus vulnérables.

C’est un modèle à suivre pour réduire les inégalités. Selon le rapport d’Oxfam, les pays africains pourraient capter 66 milliards de dollars par an (2,29 % de leur PIB) en taxant la richesse des 1 % les plus fortunés d’un point de pourcentage supplémentaire et leur revenu de 10 points de pourcentage supplémentaires.

« C’est un ingrédient essentiel pour l’Afrique que nous voulons »

Oxfam pense que cela permettrait de combler les déficits de financement pour assurer une éducation de qualité gratuite à chaque personne et raccorder tous les foyers et toutes les entreprises à l’électricité. « Chaque Africain et chaque Africaine mérite de vivre dans la dignité », affirme l’organisation, qui trouve inique qu’une poignée de milliardaires accumule des richesses insensées alors que des millions de personnes sont piégées dans la pauvreté.

Pour elle, il est clair que « le système est défaillant et moralement indéfendable » et qu’« il n’y a plus d’excuse pour retarder les choses » face à la gravité de la situation. L’ONG préconise donc de taxer les richesses extrêmes. « Ce n’est pas seulement juste, c’est un ingrédient essentiel pour l’Afrique que nous voulons. », conclut-elle. Mais les élites corrompues entendront-elles raison ?

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