Au Kenya, la police a dispersé mardi, à coup de gaz lacrymogènes, une marche pacifique dénonçant les féminicides dans le pays. Les manifestantes réclament des mesures concrètes face à la recrudescence des meurtres.
Mardi, au Kenya, la police a tiré des grenades lacrymogènes sur un groupe de jeunes femmes rassemblées dans le quartier central des affaires de Nairobi pour dénoncer les féminicides dans le pays. Si la mobilisation a semblé timide le matin, elle a pris de l’ampleur dans l’après-midi avec des milliers de femmes qui ont marché jusqu’au parlement. Là, elles ont hué et scandé des slogans tels que « Stop au féminicide », « Honte à vous! » et « Eduquez vos fils », selon l’AFP.
Plusieurs arrestations de manifestantes au Kenya
La police a vigoureusement réagi et s’en est suivie une bataille rangée dans les rues. Mais les manifestantes ont été dispersées et certaines arrêtées. Le directeur exécutif de l’ONG Amnesty International Kenya a également été interpellé, selon une déclaration de plusieurs groupes de défense des droits de l’homme. Amnesty International et la Law Society of Kenya ont publié une déclaration commune condamnant les actions de la police. Ces ONG estiment qu’il s’agit d’une « attaque directe contre les principes démocratiques du Kenya et les droits de l’homme de ses citoyens ».
La marathonienne Rebecca Cheptegei tuée en septembre par son compagnon
Depuis plusieurs mois, le Kenya fait face à une épidémie silencieuse de violence sexiste. La Commission nationale kényane des droits de l’homme (KNCHR) a déclaré en novembre avoir recensé 97 assassinats de femmes depuis août. On se souvient notamment du meurtre, le 1er septembre, de la marathonienne ougandaise Rebecca Cheptegei, qui venait de participer aux JO de Paris. Deux mois plus tôt, des sacs contenant des parties de corps de femmes démembrées ont été découverts dans une décharge de Nairobi.
Le président du Kenya, William Ruto, a réagi timidement
Dans la même période, une étudiante assassinée a été découverte dans un champ. Puis, les corps mutilés d’une mère, de sa fille et de sa nièce, tuées sauvagement, ont été retrouvés éparpillés à différents endroits. La liste n’est pas exhaustive. Après des mois de critiques acerbes, le président William Ruto a reconnu en novembre que le féminicide était « un problème urgent et profondément troublant ». Il a annoncé 770.000 dollars pour le financement d’une campagne visant à protéger et à soutenir les victimes.
Il faut qualifier les féminicides de « crise nationale »
Mais les activistes trouvent ce fonds dérisoire devant l’ampleur du problème. Ils appellent le gouvernement à prendre une série de mesures plus concrètes. Les militants des droits femmes réclament notamment que le président qualifie les féminicides de « crise nationale » et qu’il consacre plus d’argent aux campagnes de sensibilisation. Ils souhaitent également que le parlement adopte une loi reconnaissant les féminicides ou les meurtres liés au sexe comme des crimes distincts et imposant des peines sévères à leurs auteurs.
Les féminicides au Kenya liés aux disparités économiques et à des attitudes patriarcales
Actuellement, les assassinats de femmes au Kenya sont catégorisés comme des homicides. Pour les ONG, cette classification est trop large et ne permet pas de dire clairement qu’une femme est tuée en raison de son sexe. Elles invitent à prendre l’exemple sur le Mexique, où les féminicides sont inscrits dans la loi. Selon des chercheurs, le fort taux de féminicides au Kenya serait lié aux disparités économiques et à des attitudes patriarcales profondément enracinées dans la société.