Après plusieurs décennies de négociations, le Royaume-Uni a enfin décidé de céder la souveraineté des îles Chagos à Maurice, dans l’océan Indien. La bonne nouvelle a été annoncée le jeudi 3 octobre. Cette décision permettra aux Chagossiens, déplacés de force il y a près d’un demi-siècle, de retourner sur la terre de leurs ancêtres. Mais ne nombreuses questions restent en suspens avant ce retour.
Après plusieurs décennies de litige, le Royaume-Uni a annoncé, le jeudi 3 octobre 2024, reconnaître la souveraineté de l’île Maurice sur les Chagos. En d’autres termes, il acceptait de restituer l’archipel à l’Etat de l’océan indien. Les gouvernements britannique et mauricien ont signé un accord pour acter cette décision historique.
Un accord pour le maintien de la base militaire américaine pendant un siècle
Cet accord prévoit que le Royaume-Uni conservera la souveraineté sur Diego Garcia pour une période initiale de 99 ans. Diego Garcia est la plus grande des trois îles de l’archipel des Chagos, composé aussi de Pehros Banos et Salomon. Elle abrite une importante base militaire louée aux États-Unis par la Grande Bretagne. Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, a déclaré que l’accord garantissait la sécurité et l’avenir de la base militaire. Sans lui, dit-il, il y aura des contestations de souveraineté et des recours juridiques devant des tribunaux internationaux.
Les Chagos au carrefour de la concurrence entre l’Occident et la Chine
Lammy ajoute que cette base militaire renforce « la sécurité mondiale » et élimine « toute possibilité que l’océan Indien soit utilisé comme une dangereuse route d’immigration clandestine vers le Royaume-Uni ». Il assure aussi qu’elle garantit la « relation à long terme avec l’île Maurice, un partenaire étroit du Commonwealth ». Les deux parties se sont engagées à finaliser le texte le plus rapidement possible. Sans surprise, les Etats ont salué un « accord historique ».
Dans un communiqué, la Maison Blanche a qualifié la base de Diego Garcia de vitale pour la préservation de la « sécurité nationale, régionale et mondiale ». Posées en plein océan Indien, les Chagos se trouvent en effet au carrefour de la concurrence entre l’Occident, l’Inde et la Chine. Les Etats Unis et le Royaume-Uni ne souhaitent pas se retirer complètement de la zone pour laisser le champ libre à Pékin, en particulier, un allié solide de l’île Maurice.
1 500 habitants des Chagos déplacés vers Maurice dans les années 1970
L’archipel des Chagos est un ensemble de sept atolls situés dans le nord de l’océan Indien, à un millier de kilomètres des Maldives et des Seychelles. Découvert par le Portugais Pedro de Mascarenhas au XVIe siècle, il sera d’abord occupé par des exploitants forestiers français au XVIIIe, avant de passer aux mains des Britanniques avec le traité de Paris du 30 mai 1834, signé à l’issue des guerres napoléoniennes. Pendant plus d’un siècle, le Royaume-Uni va utiliser des esclaves pour exploiter cette île, à travers des cocoteraies notamment.
Anticipant l’indépendance de la colonie britannique de Maurice, la Grande Bretagne détachera l’île en novembre 1965 pour constituer un territoire d’outre-mer. Dans les années 1970, elle autorise les Etats Unis à construire une base militaire à Diego Garcia. Dans le cadre de ce projet, environ 1 500 habitants des Chagos sont déplacés vers Maurice. Les autres îles sont transformées en réserves naturelles. Cette déportation est qualifiée de crime contre l’Humanité par les Nations Unies et les ONG internationales comme Human Right Watch.
Un fonds pour le retour des Chagossiens sur leur terre
Depuis cette époque, les Chagossiens revendiquent le retour sur leur terre. Ils sont soutenus en cela par la Cour internationale de Justice de La Haye et l’Assemblée générale des Nations Unies. Aujourd’hui, les Chagossiens sont dispersés, entre le Royaume-Uni et Maurice, deux pays dont ils sont citoyens. Leur retour sur leur s’annonce donc compliqué. Les gouvernements britannique et mauricien ont prévu un plan à long terme pour cela. Dans le cadre de ce programme, le Royaume-Uni créera un fonds spécial, que Port Louis se chargera de gérer.
Au tour de Gibraltar et des îles Falkland ?
Mais il n’y a pas que les modalités du retour qui préoccupent les Chagossiens déplacés et leurs descendants. Ceux-ci s’interrogent aussi et surtout sur le sort de Diego Garcia. Ne pourront-ils pas retourner sur cette île en raison de l’accord qui prévoit le maintien de la base américaine pendant un siècle ? Ce bail sera-t-il renouvelé sur la base d’un nouveau prétexte de sécurité mondiale, qui spoliera la future génération d’autochtones ?
Les Chagossiens souhaitent une consultation publique sur l’avenir de ce camp militaire. Ils ont prévu une manifestation ce lundi pour attirer l’attention sur la situation. Quant aux conservateurs britanniques, ils ne cessent de râler depuis jeudi. Selon eux, la restitution de l’archipel est une haute trahison et un cadeau offert à la Chine. Ils se demandent si Londres va céder d’autres territoires ultramarins comme Gibraltar et les îles Falkland, disputés respectivement à l’Espagne et à l’Argentine.