La Révolution française de 1789 ne fait plus partie du programme des écoles au Mali. Cette décision a été prise en octobre dernier par le ministère de l’Éducation nationale, avec effet immédiat. Bamako assure qu’elle vise la reconquête de la souveraineté intellectuelle et culturelle du pays. Il s’agira désormais de recentrer son système éducatif sur l’histoire, les valeurs et les héros nationaux. Si certains Maliens y voient une courageuse et souveraine décision, d’autres redoutent un repli identitaire.
Le 9 octobre 2025, le ministère de l’Éducation nationale du Mali a publié une note urgente suspendant l’enseignement de la Révolution française de 1789 dans toutes les classes de 9ᵉ année. Dans la lettre adressée aux directeurs des Académies d’enseignement et de Centres d’animation pédagogique (CAP), il explique que cette suspension fait suite à une réévaluation du programme scolaire et vise à adapter l’enseignement de cet événement historique au contexte spécifique du Mali.
Les idéaux occidentaux ne sont pas les idéaux africains
Bamako estime aujourd’hui que les programmes hérités de la colonisation sont déconnectés des réalités africaines. Pendant des décennies, dit-il, les manuels scolaires maliens ont glorifié des épisodes de l’histoire occidentale et française comme la Révolution française et ses idéaux (liberté, égalité et fraternité), au détriment des valeurs africaines.
Les idéaux occidentaux, quoique universels, n’auraient pas les mêmes expressions suivant les cultures. La promotion de la société occidentale interrogerait d’ailleurs les Africains d’autant qu’ils ont été colonisés et réduits en esclavage par des supposés civilisateurs, même après la libération de la France de l’Allemagne nazie. Comment peut-on combattre l’Allemagne hitlérienne au nom de la liberté et continuer de coloniser d’autres peuples ?
Enseigner les empires Sosso, Songhaï et du Mali, au lieu de la Révolution française
Aussi, les autorités maliennes se demandent pourquoi les Maliens apprendraient la liberté à travers Paris, quand le Mandé a jadis proclamé la Charte du Kurukan Fuga, l’un des premiers textes humanistes au monde. Au lieu de passer leur temps à étudier l’histoire de la France sous Napoléon et Louis XIV, les Maliens voudraient enseigner celle des empires Sosso, Songhaï et du Ghana notamment. Ils ne veulent plus entendre parler des exploits de Robespierre ou de Danton, mais connaître Soundiata Keïta et Soumangourou Kanté ou de grandes figures du panafricanisme comme Kwame Nkrumah et Thomas Sankara. Ces héros africains ne doivent plus être relégués au second plan.
La décision de Bamako ne viserait pas à effacer l’histoire universelle
En introduisant cette réforme, le pouvoir malien espère envoyer un message fort à l’Afrique : que la souveraineté commence par le savoir et l’appropriation de sa propre histoire. Bamako estime que cette souveraineté ne peut plus se limiter aux discours politiques et aux frontières physiques. il assure que sa décision ne vise pas à effacer l’histoire universelle, mais à redonner voix à l’histoire africaine, longtemps marginalisée. La junte aspire à forger l’esprit national et la fierté d’appartenir à une civilisation malienne millénaire.
La suspension de l’enseignement de la Révolution française s’inscrit dans un débat plus large sur la révision des programmes scolaires en Afrique
Cette réforme suscite toutefois divers avis au sein de la société malienne. Certains y voient un moyen d’affirmer une identité nationale plus forte et une renaissance intellectuelle. Ils souhaiteraient son extension à d’autres classes pour des cours similaires. D’autres jugent nécessaires de maintenir les enseignements universels sur des événements marquants comme la Révolution française, qui ont façonné l’histoire mondiale.
Notons que cette suspension de l’enseignement de la Révolution française s’inscrit dans un débat plus large sur la révision des programmes scolaires dans plusieurs pays africains, pour aligner l’éducation sur les réalités sociales, culturelles et historiques nationales. Elle intervient dans un contexte plus large de redéfinition des relations internationales pour les pays de l’AES (Mali, Burkina et Niger), qui cherchent à réaffirmer leur indépendance vis-à-vis de l’Occident.





