Visé par une plainte pour diffamation par la société Panoro Energy, le député tunisien Yassine Ayari affirme être l’objet « d’une tentative d’intimidation », mais refuse dans le même temps de s’expliquer sur le relais de fausses accusations à l’encontre de la compagnie pétrolière norvégienne sur sa page Facebook en mars 2019.
Le député tunisien Yassine Ayari fait-il l’objet d’une « tentative d’intimidation » de la part de la justice française ? Le parlementaire, élu dans la circonscription des Tunisiens de l’étranger dans le Nord de la France, a en effet annoncé faire l’objet d’une plainte pour diffamation en France, déposée par Panoro Energy Asa, une société pétrolière et gazière norvégienne qu’il avait accusé de blanchiment d’argent sur sa page Facebook en mars 2019.
Des accusations relayées par Ayari et basées sur des faux documents
Pour sa défense, le député se plaint d’être empêché dans son travail de contrôle parlementaire et dénonce pêle-mêle une collusion des compagnies pétrolières et de la classe politique française, soucieuse selon lui de préserver ses intérêts en Tunisie.
Des accusations infondées et fantasques écartées par Panoro Energy et son dirigeant, Julien Balkany, qui contestent toute dimension politique de l’affaire et affirment souhaiter que celle-ci « ne sorte pas de son cadre purement judiciaire ». Tout en soulignant la gravité des « propos diffamatoires et calomnieux » tenus à son encontre, Julien Balkany déclare également vouloir que « la justice française puisse travailler en étroite collaboration avec la justice tunisienne afin de poursuivre ses investigations dans un climat serein et apaisé ».
Selon une source proche de Panoro Energy, la compagnie norvégienne est très respectueuse du rôle du Parlement tunisien de proposer et voter les lois et aussi de contrôler l’action du Gouvernement. S’il semble en effet primordial que les députés tunisiens puissent effectuer leur travail de contrôle et d’audit des autorités publiques, il est aussi essentiel que ces derniers se soumettent aux exigences d’exemplarité et ne puissent, à l’instar de Yassine Ayari, relayer publiquement des propos diffamatoires et calomnieux en toute impunité.
Si Yassine Ayari conteste la légitimité de sa mise en cause au nom de son rôle de contrôle de l’activité du gouvernement tunisien en tant que parlementaire, celui-ci ne répond en revanche pas sur le fond de l’affaire, qui lui vaut aujourd’hui des poursuites de la part de la justice française. Celles-ci visent en l’occurrence l’usage d’un faux document dont le caractère fallacieux avait pourtant déjà été démontré. Pourquoi ne s’excuse-t-il pas d’avoir propagé, sans preuve et à tort, dans les médias et sur les réseaux des allégations mensongères et diffamatoires ? Son rôle de parlementaire ne le place pas au-dessus des lois mais au contraire lui confère une exigence impérieuse en la matière.
Un faux issu d’une tentative antérieure de déstabilisation contre Panoro Energy
La mise en cause de Yassine Ayari à l’encontre de Panoro Energy constituent en effet l’énième rebondissement d’une affaire qui remonte à l’été 2018, au moment de l’acquisition par Panoro Energy de deux sociétés pétrolières implantées en Tunisie, DNO Tunisia AS et OMV Tunisia Upstream GmbH. Cette dernière transaction conclue entre la société norvégienne et la major autrichienne OMV pour un montant de plusieurs dizaines de millions de dollars, promettait des retombées économiques substantielles à l’échelle locale. C’est pourtant à une véritable tentative de déstabilisation, orchestrée jusque dans les hautes sphères de l’Etat tunisien et digne d’un roman d’espionnage que Panoro Energy a dû faire face.
Quelques semaines après l’annonce de ces acquisitions, l’ambassadeur de Tunisie en France, Abdelaziz Rassaa, a en effet transmis au ministère des Affaires étrangères la lettre d’une ONG basée à Paris, Veronga Watch, prétendant détailler l’implication de Panoro Energy dans une « opération de blanchiment d’envergure ». Après vérification, Veronga Watch est introuvable au répertoire national des associations françaises, et l’adresse qu’elle prétend occuper, le n°18 sur le boulevard de la Madeleine à Paris, n’existe pas. L’ONG est également inexistante en ligne, n’a jamais publié le moindre rapport sur quelque sujet que ce soit. Les huissiers mandatés par Panoro Energy constatent rapidement le caractère totalement fictif de cette association. Désormais indirectement visé par une autre plainte contre X déposée en France pour faux, usage de faux et dénonciation calomnieuse, Abdelaziz Rassaa a quant à lui, est démis de ses fonctions d’ambassadeur l’année suivante par l’actuel Président de la République Tunisienne dans le cadre d’une autre affaire de corruption éclaboussant l’ambassade de Tunisie en France.
Pas d’explications sur le fond des accusations
C’est cette même lettre de Veronga Watch, dont le caractère fictif avait pourtant été établi sans ambiguïté, que Yassine Ayari a pourtant relayé en mars 2019 sur sa page Facebook. Et c’est seulement en raison de cette publication, sur laquelle le député tunisien n’est jamais revenu, que Panoro Energy a décidé de saisir la justice française pour diffamation, faux et usage de faux.
Dans un message publié sur sa page Facebook le 9 août, celui-ci présente les poursuites de la justice française comme une « punition », faisant valoir une prétendue « inexpérience » de Panoro Energy en matière d’extraction pétrolière pour affirmer le caractère « suspect » et « injustifié » de la transaction. Fondée en 2009 et cotée à la bourse d’Oslo en Norvège, 15e pays producteur mondial d’or noir, Panoro Energy est pourtant présente depuis d’une décennie sur le continent africain, au Nigéria et au Gabon, pays dans lesquels elle prospecte et exploite plusieurs champs pétrolifères. La société était aussi présente au Brésil ou elle opérait plusieurs champs en partenariat avec Perdras et a vendu sa filiale pour 140 millions de dollars en 2013.
Si le député se défend dans sa publication de tout complotisme ou d’affabulation, celui-ci dénonce toutefois une affaire « politique », impliquant des acteurs politiques à l’étranger. Ce faisant, le député essaie de déplacer le débat et d’allumer un contrefeu et cela afin de ne pas s’expliquer sur les raisons l’ayant poussé à relayer ce faux document en premier lieu, sans avoir fait le moindre travail de vérification. Et ne s’explique pas non plus sur les raisons qui l’incitent à maintenir ses accusations farfelues, tout en cessant dans le même temps de mentionner Veronga Watch, la prétendue ONG à l’origine de cette mise en cause, dont le député paraît désormais reconnaître le caractère fabriqué de toute pièce.
Ce n’est pas la première fois que Yassine Ayari fait l’objet de poursuites judiciaires pour des propos diffamatoires . Celui-ci avait déjà été condamné en 2016 par la justice de son pays pour avoir accusé à tort le militant tunisien des droits de l’homme Hamma Hammami de corruption. Yassine Ayari avait par ailleurs précédemment reconnu avoir diffusé de fausses informations durant la révolution tunisienne de 2011, afin d’inciter les manifestants contre le régime de Ben Ali à descendre dans la rue. Enfin pas plus tard que le 19 août le parti politique tunisien Attayar a à son tour déposé une plainte en Tunisie contre Yassine Ayari dans l’affaire dite des sacs en plastique.