Pour réduire la mortalité néonatale au Cameroun, une équipe d’ingénieurs a conçu une couveuse interactive alternativement alimentée à l’énergie solaire. Elle permet aux médecins de suivre à distance, grâce au téléphone, l’état de santé des nouveaux-nés prématurés. Une innovation particulièrement salutaire dans un pays où on enregistre 28 décès pour 1.000 naissances.
Seulement 100 couveuses classiques pour tout le pays
Au Cameroun, comme dans de nombreux pays d’Afrique, la mortalité néonatale est très élevée par rapport au reste du monde. Elle atteint 28 décès pour 1.000 naissances en moyenne. Et les victimes sont principalement des bébés nés prématurés. Ces deniers constituent 60% des décès de nourrissons. Ce taux de mortalité est dû notamment aux mauvaises conditions de transfert des bébés, qui ne sont pas toujours bien enveloppés pour rester au chaud. Au Cameroun, le gouvernement essaie de réduire ces décès en équipant les centres de santé de couveuses. En 2019, le pays en comptait 100 couveuses pour plusieurs milliers de structures sanitaires. Ces équipements importés pour la plupart d’Europe et d’Asie sont chers et nécessite des techniciens qualifiés pour assurer leur entretien et leur bon fonctionnement.
Surveiller tous les signes vitaux
Pour lever ces difficultés et sauver des milliers de vie chaque année, l’Agence universitaire pour l’innovation (AUI) – un hub d’innovations scientifiques, technologiques et entrepreneuriales créé en 2016 à Bafoussam – a mis au point une couveuse interactive à l’endroit des médecins et parents. Grâce à un téléphone connecté, ces derniers peuvent suivre à distance l’état de santé des nouveaux-nés prématurés. Ils peuvent notamment surveiller les mouvements des bébés, leurs températures, les battements de leur cœur…bref tous les signes vitaux. En plus de ce monitoring à distance, la couveuse offre aux prématurés l’étanchéité acoustique et les conditions thermiques idéales pour leur développement.
Un système de photothérapie intégré
« Cette couveuse est connectée à une caméra qui nous permet d’avoir un œil sur l’enfant depuis notre bureau. S’il y a un souci, on peut facilement interpeller un infirmier pour qu’il intervienne rapidement », témoigne auprès de l’AFP Serge Armel Njidjou, l’un des inventeurs de la couveuse. Ce dispositif a obtenu en 2018 le prix spécial du chef de l’État lors des Journées d’excellence de la recherche scientifique.Il fonctionne via une régulation électrique.Mais, s’il y a une panne d’électricité, on peut charger la batterie à l’aide des panneaux solaires. Une vraie alternative dans un pays qui connait des coupures fréquentes d’électricité.
En outre, la couveuse de l’AUI permet aux médecins de s’occuper d’autres patients dans leur bureau car le système est interactif. Par ailleurs, elle intègre un système de photothérapie qui aide à ralentir la progression de la jaunisse et à réduire le taux de bilirubine, qui apparaît généralement lors des soins des sages-femmes. Enfin, en cas de panne, la couveuse envoie automatiquement une alerte à l’équipe de techniciens qui peut ainsi intervenir rapidement pour faire les réparations nécessaires.
Des négociations avec des ministères d’Afrique de l’ouest
L’Agence universitaire pour l’innovation dit avoir déjà vendu 18 couveuses à des hôpitaux privés et publics du pays, dont celui de de Bafoussam (Ouest). Le prix s’élève à environ 2 millions de Francs CFA pour une unité. « Nous avons un projet avec le ministère de la santé pour doter les hôpitaux de 1.000 couveuses dans les quatre prochaines années », a précisé Serge Armel Njidjou. Mais, l’AUI ne veut pas se cantonner au seul Cameroun. En effet, la mortalité infantile est un problème commun à tous les pays du continent. Ainsi, elle a entamé des discussions avec des ministères de la santé des Etats d’Afrique de l’ouest, dont le Burkina Faso. L’objectif est de livrer 100.000 couveuses en Afrique d’ici à quelques années.