Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo a échappé mardi soir à un coup d’Etat ayant officiellement fait une dizaine de morts. La situation serait maintenant sous contrôle, mais de nombreuses zones d’ombre subsistent notamment concernant l’identité des commanditaires. Le pouvoir a lancé mercredi une grande opération de recherche.
Un coup très bien préparé et organisé
Dans l’après-midi du mardi 1er février, des individus armés ont attaqué le palais présidentiel de la Guinée-Bissau, où se trouvaient alors le président Umaro Sissoco Embalo et des membres de son gouvernement pour une réunion de cabinet. Ils sont restés bloqués à l’intérieur de l’édifice pendant plusieurs heures en raison des échanges de tirs nourris entre forces loyalistes et assaillants. Finalement, le chef de l’Etat (49 ans) et ses ministres sont sortis indemnes en fin de soirée, alors que la rumeur de son arrestation enflait. Umaro Sissoco Embalo s’est présenté quelques minutes après devant la presse, l’air très serein. Il a évoqué une tentative de coup d’Etat, « très bien préparé et organisé » visant à attenter à sa vie et à celle de tout le cabinet. Cependant, il n’a pas précisé l’identité des auteurs.
Le porte-parole du gouvernement, Fernando Vaz, n’a pas non plus donné de détails. Il s’est contenté de dénoncer une « attaque violente et barbare visant à décapiter l’État bissau-guinéen ». Il a affirmé qu’il s’agissait d’un acte « perpétré par des gens animés par des intentions inavouées », avec l’appui de « personnes ayant des capacités financières » conséquentes. En témoigne la grande quantité d’armes et de munitions mise à la disposition des assaillants. « Les armes et munitions trouvées sur place indiquent que cet atteinte à l’ordre constitutionnel a été préparé avec rigueur. », a souligné le ministre du Tourisme. Fernando Vaz a en outre déploré la mort de 11 personnes dans cette attaque, dont des militaires et paramilitaires, un chauffeur de la présidence et un haut cadre du ministère de l’Agriculture.
Embalo victime de sa lutte contre la corruption ?
Au lendemain du putsch manqué, l’état-major bissau-guinéen a mis sur pied une commission d’enquête. Il a également lancé une vaste opération pour retrouver les commanditaires et les protagonistes de ce coup. Des éléments des renseignements militaires avaient déjà investi le siège du gouvernement mardi pour collecter des informations. Ces investigations permettront de connaître l’identité et les motivations des assaillants. Pour l’heure, Umaro Sissoco Embalo a indiqué que des arrestations ont eu lieu, sans plus de précisions.
Le président pense que ce coup d’Etat est une réponse des ennemis de la bonne gouvernance. Des personnes essaieraient de mettre fin à sa lutte impitoyable contre le trafic de drogue et la corruption. Il a assuré que la situation était maintenant sous contrôle et a demandé aux agents de l’administration publique de reprendre le travail. Depuis mercredi, la vie a progressivement repris dans la capitale Bissau. Les commerces ont ouvert, les banques aussi. Toutefois l’accès aux environs du palais présidentiel reste interdit et les militaires continuent de patrouiller.
L’opposition demande une enquête crédible
Si les partis de la majorité présidentielle ont condamné le coup de force de mardi, le PAIGC, plus importante formation politique du pays, actuellement dans l’opposition, a appelé à plus de sérieux. Elle a demandé une enquête crédible pour établir les faits et situer les responsabilités. Elle ne veut pas se contenter des explications« simplistes » d’Umaro Sissoco Embalo, qui semble s’énorgueillir de la situation. Un comportement qui pousse certains Bissau-guinéens à parler d’auto-coup d’Etat. Celui-ci viserait à anticiper une éventuelle tentative de soldats inspirés par leurs collègues maliens, burkinabés et guinéens.
La communauté internationale, elle, y voit l’œuvre de destabilisateurs, dans la droite ligne des récents évènements. Embalo aurait ainsi cassé la dynamique ouest-africaine des putschs. La CEDEAO notamment a condamné une attaque contre un président élu et contre la démocratie. Se félicitant de l’échec de ce coup, elle a appelé les militaires à regagner leurs casernes et à maintenir une posture républicaine.
La Guinée Bissau, un autre champion des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest
Si ce coup d’Etat avait réussi, il se serait ajouté aux quatre récents putschs dans la sous-région ouest africaine. D’abord aux deux du Mali, intervenus en août 2020 et en mai 2021. Puis à celui de la Guinée Conakry en septembre 2021 et à celui du Burkina Faso, il y a une semaine. Rappelons que la Guinée Bissau, pourtant une petite nation d’environ deux millions d’habitants, est abonnée aux coups d’Etat. Elle a déjà enregistré quatre putschs et plusieurs tentatives depuis son indépendance du Portugal en 1974. Le renversement le plus sanglant est celui du président João Bernardo Vieira par le général de brigade Ansoumane Mané, en juin 1998. Il a débouché sur une guerre civile ayant causé plus de 6.000 morts.