Après Les crapauds-brousse, « le Roi de Kahel » et « le Terroriste noir », entre autres, l’écrivain guinéen Tierno Monénembo publie « Saharienne indigo », son nouveau roman consacré aux années sombre de la dictature de Sékou Touré. Avec sa plume effervescente, le prix Renaudot 2008 nous raconte la résilience de trois héroïnes face aux vicissitudes de la vie sous nos tropiques. Il y accomplit aussi un salutaire devoir de mémoire, en même temps qu’il célèbre une humanité bafouée.
Jeune meurtrière et fugitive
L’écrivain guinéen Tierno Monénembo a publié, en janvier 2022, son nouveau roman « Saharienne indigo » aux éditions du Seuil. Cette œuvre est la quinzième de l’auteur après notamment Les Crapauds-brousse (1979), Les Ecailles du ciel (1986), Un Attiéké pour Elgass (1993), Peuls (2004), Le Roi de Kahel (2008) et Le Terroriste Noir (2012). Elle nous entraîne dans le Conakry des années 1960 à travers les yeux de Diaraye Baldé, Yâyé Bamby et surtout la filleule de cette dernière, Néné Fatou Oularé dit Atou.
A l’âge de 15 ans, Atou tue l’homme qu’elle croyait être son géniteur. Mais qui n’était en réalité que l’assassin de son vrai père. Elle l’a tué parce qu’il l’avait violée. Après son forfait, la jeune fille prend la fuite pour se réfugier chez Yâyé Bamby. Elle vit chez cette dame dans une relative paix, mais dans l’angoisse de voir un jour débarquer des policiers pour l’emmener repondre de ses actes. Ces derniers tardent à venir et elle reprend peu à peu goût à la vie. Jusqu’au jour où un homme, qui avait la tête d’un flic, se mit à rôder autour de sa nouvelle cachette, vêtu d’une saharienne indigo…
Elle porte toute la douleur du monde
Interrogé sur le choix de son héroïne, Tierno Monénembo a répondu qu’il voulait « qu’une jeune fille porte toute la douleur du monde ». Il décrit ainsi le personnage dans les colonnes de Jeune Afrique: « Elle a tout subi, c’est une petite sauvage qui n’a reçu que la barbarie quand elle est récupérée par deux marginales. Mais elle a un vrai sens de la vie, elle veut aimer et être libre. ».
Si Saharienne Indigo raconte la vie d’Atou, le roman remonte aussi aux premières années de l’indépendance du pays et à la présidence d’Ahmed Sékou Touré. Tierno Monénembo revient surtout, avec subtilité, sur l’histoire du camp B., le camp Mamadou-Boiro. Situé en plein centre de la capitale Conakry, ce centre de torture et d’exécution des opposants aurait fait plus de 50.000 victimes entre 1960 et 1984. Des enfants y auraient été internés avec leurs parents. Et quand ces derniers étaient tués, leurs assassins adoptaient les petits.
Une critique des historiens africains
C’est dans ce camp B. que l’héroïne Atou a vu le jour, puis a été récupérée par le meurtrier de son père. Elle l’a tué plus tard pour s’enfuir. Tierno Monénembo tenait à révéler l’existence de ce centre de l’horreur pour compenser le mutisme des historiens africains sur ce fait.
« Sékou Touré a tué dans toutes les familles du pays. Mais en Afrique, les historiens ne font pas leur travail, ils passent leur temps à polémiquer avec les Blancs sur des sujets sans intérêt. Ce sont des menteurs et des démagogues qui ne s’intéressent pas à l’histoire de l’Indépendance. », a-t-il dénoncé dans son interview à Jeune Afrique.