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Sénégal : des militantes féministes interpellent Diomaye Faye

Au Sénégal, quinze organisations féministes ont appelé mardi le président Bassirou Diomaye Faye à passer des mots aux actes, après ses déclarations à la tribune de l’ONU sur l’égalité des sexes et la défense des droits des femmes. Elles rappellent qu’il y a beaucoup à faire dans le pays sur ces questions, en raison notamment de la faible représentativité des femmes au gouvernement, des violences sexuelles et sexistes, des cas de viols classés sans suite par les tribunaux et des mariages forcés d’adolescentes.

Le lundi 22 septembre 2025, le président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, a prononcé un discours fort à la tribune des Nations Unies à New-York. Il a affirmé son engagement en faveur de « l’égalité parfaite entre les sexes, l’autonomisation des femmes, la lutte contre les violences basées sur le genre et l’accès des femmes aux postes de décision ». Le chef de l’État sénégalais a également rappelé l’engagement de son pays, phare démocratique africain, en faveur de la Déclaration de Beijing, qui demeure une référence mondiale majeure pour les droits des femmes et des filles.

Un déphasage entre les paroles et la réalité

Les organisations féministes du Sénégal ont salué cette déclaration du président Bassirou Diomaye Faye, au pouvoir depuis avril 2024, mais elles relèvent l’écart entre les belles paroles et la réalité. Comme c’est toujours le cas avec les dirigeants africains qui sont comme transcendés dès qu’ils arrivent à la tribune des Nations Unies. Dans un communiqué conjoint signé le mardi 23 septembre, une quinzaine de ces organisations féministes rappellent la situation des femmes sénégalaises et fait des propositions pour améliorer leur situation. Parmi ces associations figurent le Réseau des féministes du Sénégal, JGEN Sénégal, le Collectif Autorité parentale partagée, l’Association Mères Actives et Molaadé (Association pour la protection des femmes et des enfants).

Une faible représentativité des femmes au Parlement du Sénégal

« En tant qu’organisations féministes sénégalaises, nous saluons cette prise de parole symbolique porteuse d’espoir et de reconnaissance. Toutefois, nous insistons sur le fait que les paroles, aussi fortes soient-elles, ne doivent pas rester de simples performances. Elles doivent être suivies d’actions concrètes et mesurables » écrivent d’emblée les associations féministes. Passant en revue les inégalités hommes – femmes au Sénégal, les militantes féministes notent notamment une faible représentativité des femmes dans les postes de prise de décision. Pour preuve, sur les deux derniers gouvernements, il y a moins de 15% de femmes, tous postes de nomination compris. Ce qui est peu. Et quand elles osent protester, on leur parle de compétences.

Des cas de viols classés sans suite et des féminicides pour un repas pas prêt à temps

Les signataires de la lettre déplorent également une recrudescence des violences systémiques faites aux femmes et aux filles, qui aboutissent souvent sur des feminicides. Ces derniers surviennent parfois pour des raisons ridicules, comme quand le repas n’est pas prêt lorsque monsieur rentre. Par ailleurs, les organisations féministes relèvent des cas de viols, y compris ceux suivis de grossesses. Les viols sont en nette augmentation au Sénégal dans un contexte d’impunité persistante, de faiblesse des mécanismes de protection et dans le silence total des autorités.

Au moins 53% des cas sont classés sans suite ou ont fait l’objet d’un non lieu, selon Dr Ndeye Khadi Babou, coordonnatrice du réseau des féministes du Sénégal. Enfin, les ONG notent que les adolescentes sénégalaises sont soumises à des mariages forcés. Et cela se termine parfois par un drame. Comme en début d’année quand une jeune fille s’est suicidée pour échapper à l’union avec un homme âgé.

Le Sénégal, l’une de rares démocraties d’Afrique

Les organisations féministes regrettent ces violations des droits et libertés des femmes, d’autant que le Sénégal est considéré comme l’une des rares démocraties du continent africain. Pourtant, le pays a ratifié la Déclaration de Beijing, qui demeure une référence mondiale majeure pour les droits des femmes et des filles, ainsi que le protocole de Maputo qui autorise l’avortement, en particulier en cas d’inceste et de viol. Pour les militantes féministes, il est clair que « le Sénégal est encore très loin d’atteindre l’égalité entre les sexes, en dépit de ses engagements internationaux ».

Des recommandations pour améliorer les droits des femmes au Sénégal

Face à cette situation, les organisations appellent à une réforme juridique ambitieuse, fondée sur l’égalité réelle, la justice sociale et la reconnaissance pleine du rôle des femmes dans la société. « Il est temps de passer de la ratification à l’application, du discours à l’action », ajoutent les associations féministes. Elles font surtout des recommandations à l’État pour améliorer le statut des femmes sénégalaises.

Parmi ces propositions figurent la reconnaissance du féminicide dans la législation pénale, la parité effective dans toutes les instances de décision, le zéro tolérance pour les violences sexistes et sexuelles et la révision des textes discriminatoires à l’égard des femmes et des filles. Les organisations invitent par ailleurs le Parlement à concrétiser la vision du chef de l’État, mais préviennent qu’elles seront vigilantes quant à l’application stricte des textes.

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