Depuis septembre 2017, l’industrie du tabac déclare vouloir mettre en place « un monde sans fumée ». Pourtant, elle continue de lancer de nouveaux produits et de vendre du tabac dans le monde entier, notamment en Afrique. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) gagnerait à mettre en place une politique antitabac commune afin de réduire le tabagisme, d’améliorer la santé publique, et de recouvrer des recettes fiscales pour les Africains.
D’après les associations de santé, l’industrie du tabac aurait profité du coronavirus pour approcher les gouvernements africains et leur proposer son aide (aides financières, promesses de vaccins etc. ) pour mieux obtenir des concessions législatives ou fiscales sur le commerce du tabac. Cette stratégie a été dénoncée par des associations antitabac le 20 juillet dernier lors d’une conférence de presse organisée à Ouagadougou, au Burkina Faso.
Salif Nikiema, coordonnateur de l’ACONTA (« Afrique contre le tabac »), Khalil Traoré, coordinateur d’ABACT (« Association Burkinabée d’Actions contre le Cancer Tabagique ») et ACTA (« Alliance pour le Contrôle du Tabac en Afrique ») ont non seulement rappelé que les malades de la Covid-19 voient leur situation aggravée s’ils sont fumeurs (tandis que certains professeurs, financés par l’industrie, disaient le contraire comme le rappelle François-Michel Lambert, député EELV) mais ils ont également appelé les gouvernements à refuser tout dialogue avec Big Tobacco.
Réduire le tabagisme pour améliorer la santé et redonner du pouvoir d’achat aux Africains
Si certains des 15 pays de la CEDEAO se distinguent par la rigueur de leur politique de santé, comme le Togo du Président Faure Gnassingbé, récemment félicité pour ses résultats par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dirigée par Tedros Adhanom Ghebreyesus, d’autres seraient davantage perméables à l’industrie du tabac, comme la Côte d’Ivoire présidée par Alassane Ouattara ou encore le Burkina Faso de Roch Marc Christian Kaboré.
Des efforts restent à faire sur le continent africain pour réduire l’attractivité du tabagisme, empêcher les adolescents de commencer à fumer, et faire baisser le nombre de fumeurs adultes. A terme, ces objectifs pourraient permettre d’améliorer la santé des habitants de la CEDEAO et augmenter le pouvoir d’achat de leurs habitants. Le coût social du tabac (traitements des maladies liées au tabac, arrêts de travail, décès prématurés…) serait 6 à 8 fois supérieur aux recettes fiscales que le tabac engendre.
En France, chacun des 67 millions de Français doit payer chaque année 1 846 euros pour financer les 120 milliards que coûte le tabac, or seulement 13 millions de Français fument, soit près de 30% de la population adulte…
Le Togo en pointe sur la santé publique et la lutte antitabac
Aujourd’hui, la marche à suivre est connue : appliquer les textes élaborés par l’OMS, d’une part la Convention Cadre de Lutte Anti-Tabac, adoptée en 2005 qui définit les règles relatives à la fiscalité du tabac, l’encadrement du lobbying, les restrictions sur le marketing et la publicité, et d’autre part le Protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite du tabac.
Ce dernier texte demande à ce que les paquets de cigarettes soient marqués et tracés avec un système indépendant de l’industrie du tabac. C’est ce qu’ont compris par exemple Komi Selom Klassou, Premier Ministre du Togo, le Professeur Vinyo Kamuko, coordinateur du programme national contre le tabac, et le Dr Diallo Fatoumata, correspondante de l’OMS : grâce à leurs mesures, seulement 12,5% des adultes du Togo fument et le gouvernement a confié son système de traçabilité à SICPA, le leader mondial de la traçabilité sécurisée.
Vers une fédération des associations anti-tabac de la CEDEAO
Toutes les associations antitabac des pays membres de la CEDEAO pourraient unir leurs efforts et se fédérer. ACONTA, ABACT et ACTA pourraient être rejoints par le « Réseau des ONG actives pour le contrôle du tabac en Côte d’Ivoire » (ROCTA-CI), la Ligue Ivoirienne Contre le Cancer (LICC), l’Association de Lutte contre le Tabac de Sanmatenga du Burkina Faso, SOS Tabagisme Niger, les associations maliennes SOS Tabagisme, l’Association de Lutte contre le Tabac, l’Alcool et les Stupéfiants (ALUTAS), l’Association de Lutte Contre le Tabagisme et l’Alcoolisme (ALUCTA), Nigéria Tobacco Control Alliance (NTCA), la Ligue Sénégalaise contre le Tabac (LISTAB) ou l’Association de Lutte contre l’Alcoolisme et les Autres Toxicomanies du Togo (ATLAT).
L’objectif de cette fédération ? Mettre en place une politique antitabac commune fondée sur une série de mesures qui ont fait leur preuve : instaurer le paquet neutre, augmenter les taxes et les prix du tabac tout en appliquant corollairement le Protocole de l’OMS pour empêcher les cigarettiers d’alimenter le commerce parallèle, interdire la vente des produits du tabac aux mineurs, créer un Fonds de prévention du tabac financé à 100% par l’industrie, interdire les saveurs notamment le menthol, et enfin appliquer la même législation et la même fiscalité que les cigarettes traditionnelles au tabac chauffé et aux cigarettes électroniques.