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Tunisie : Amnesty dénonce des violations généralisées des droits des migrants avec la complicité de l’UE 

Amnesty International a publié jeudi un rapport dans lequel elle dénonce des violations généralisées des droits des migrants, comme des viols et des violences physiques sur fond de racisme. L’ONG s’inquiète également du soutien financier de l’Union européenne à la Tunisie pour endiguer l’immigration en amont. Elle appelle à cesser ces violations et cette coopération qui marquent un dangereux tournant dans la politique migratoire en Afrique du Nord.

On savait déjà ces violences qui touchent les migrants subsahariens en Afrique du Nord, grâce aux vidéos publiées sur les réseaux sociaux. Mais Amnesty International vient de publier un rapport complet qui les documente avec preuves à l’appui. Intitulée « Personne ne vous entend quand vous criez », cette enquête, qui a duré 28 mois et comprend les témoignages de 120 réfugiés de 20 pays, pointe des violations généralisées des droits des migrants en Tunisie avec la complicité de l’UE.

Des migrants pris pour cible dans le cadre d’un profilage racial systémique

Selon ces témoignages recueillis par Amnesty International, il existe en Tunisie un système de migration et d’asile visant à exclure et punir plutôt qu’à protéger. Au moins 60 des personnes interrogées par l’ONG – dont trois enfants, deux réfugiés et cinq demandeurs d’asile – ont été arbitrairement arrêtées et placées en détention en Tunisie (et souvent envoyées en Algérie ou en Libye pour les faire souffrir davantage).

Aussi, des migrants ont été pris pour cible dans le cadre d’un profilage racial systémique et de vagues successives de violences racistes commises par des particuliers et les forces de sécurité, sur incitation des autorités tunisiennes. En effet, ces violences sont nourries par les propos du président Kaïs Saïed. En février 2023, le chef de l’État tunisien a accusé les migrants d’Afrique subsaharienne de vouloir « modifier la composition démographique de la Tunisie ».

Les migrants victimes de tortures et de viols 

Dans le rapport d’Amnesty International, des migrants ont en outre rapporté des cas d’abandon en mer ou en plein désert, des expulsions collectives, des tortures, des humiliations, des violences sexuelles et des viols. « Derrière ces violations, on voit qu’il y a toujours un fond d’incitation à la haine raciale », constate Safia Ryan, chercheuse pour l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« Il y a toujours une base discriminatoire sur la base de la couleur de peau », insiste-t-elle. Face à ces violations des droits de l’homme, l’ONG international regrette « le silence de l’UE et de ses États membres et même leur complicité. En effet, l’Union européenne finance, sans contrôle, la politique migratoire de la Tunisie pour bloquer les migrants dès le départ.

Bruxelles doit revoir de manière significative sa coopération avec Tunis en matière de migration 

Selon Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International, tant que l’UE persistera à soutenir de manière irréfléchie les dangereuses attaques commises par la Tunisie contre les droits des migrants et des réfugiés, les dirigeants européens se rendront complices de ces violations et devront répondre de leurs actes.

La responsable humanitaire appelle Bruxelles à revoir de manière significative sa coopération avec Tunis en matière de migration. Elle exige aussi des autorités tunisiennes qu’elles cessent d’attiser la xénophobie et fassent tout leur possible pour protéger le droit d’asile. Enfin, Heba Morayef, exhorte le pouvoir tunisien à libérer « le personnel des ONG et les défenseurs des droits humains détenus pour avoir aidé des personnes réfugiées et migrantes ».

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