Alors que les cryptomonnaies suscitent beaucoup d’espoir en Afrique, le Fonds Monétaire International (FMI) s’inquiète des risques liés à ces devises sur un continent dont l’écosystème ne serait pas encore mâture. Pour éviter d’éventuels problèmes, l’institution de Bretton Woods souhaite la mise en place d’une régulation internationale.
Des initiatives privées se multiplient
Comme partout ailleurs dans le monde, les cryptomonnaies font une percée fulgurante dans le monde des finances en Afrique. Il s’agit principalement du Bitcoin et de l’Ether qui ne cessent de gagner en popularité dans certains pays anglophones. En premier lieu le Kenya, qui fait figure de patrie des cryptomonnaies sur le continent. D’après un rapport de Chainalysis, cet Etat d’Afrique de l’est se classe 5e au monde dans l’utilisation des devises virtuelles. Mieux, il occupe la première place en matière de transactions de pair à pair. Tout juste derrière se trouve le Nigeria, 3e pays utilisateur de cryptomonnaies après les Etats-Unis et la Russie. Le Togo, l’Afrique du Sud et le Ghana complètent le Top 5 du continent africain.
En septembre 2021, la valeur marchande totale des crypto-actifs a atteint plus de 2 000 milliards de dollars. Pour l’Afrique, cette richesse s’accompagne de nouvelles possibilités. Citons notamment les facilités de paiement et l’essor de services financiers novateurs, y compris dans des régions jusqu’ici non bancarisées. Cependant, certains experts pensent qu’une cryptomonnaie commune africaine serait davantage bénéfique que des initiatives solitaires. Une telle devise permettrait la mise en place d’un marché des capitaux intégré pour stimuler les échanges et soutenir la croissance sur tout le continent.
Une devise alternative aux billets qui se détériorent
Les experts africains estiment aussi que la digitalisation de la monnaie facilitera les transactions financières à distance, sans l’utilisation d’argent liquide. Cette possibilité semble d’autant intéressante que l’impression de l’argent liquide revient très chère pour l’Afrique où le climat fait que les billets se détériorent rapidement. Le continent parviendrait ainsi à économiser de l’argent qui ira dans d’autres projets de développement. Par ailleurs, une cryptomonnaie commune pourrait servir d’alternative pour monétiser certaines des dotations comme l’or et d’autres matières premières, auxquelles sa valeur s’adosserait.
« Je pense qu’il est grand temps d’embrasser le 21e et le 22e siècle […] de créer une cryptomonnaie africaine qui serait acceptée dans chacun des Etats membres comme une devise alternative. Je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas. Cette cryptomonnaie devrait être adossée à des actifs dont nous disposons, c’est-à-dire nos ressources naturelles », a justement soutenu Anouar Hassoune, directeur général de West Africa Rating Agency. C’était à l’occasion de la 16e édition de la Conférence économique africaine organisée début décembre, à Sal au Cap-Vert.
Risque d’une fraude dans un environnement de valorisations tendues
En dépit de ces perspectives économiques positives pour le continent, le Fonds monétaire international (FMI) se montre prudent sur le projet de cryptomonnaie commune pour l’Afrique. Dans un blog publié le 9 décembre, l’institution de Bretton Woods attire l’attention sur les risques inhérents aux crypto-actifs et proposent une régulation internationale pour éviter d’éventuels problèmes. « Si la capitalisation boursière des crypto-actifs de près de 2500 milliards $ indique une valeur économique importante des innovations technologiques sous-jacentes telles que la blockchain, elle pourrait aussi refléter une fraude dans un environnement de valorisations tendues. Et cela s’est observé, avec les premières réactions à la variante Omicron qui ont entraîné une forte baisse des cryptomonnaies », a écrit le FMI.
Une proposition qui n’inspire pas confiance
Si le FMI fait bien de prévenir les Africains sur de potentiels risques liés aux cryptomonnaies, il faut rappeler que ses panacées n’ont jamais vraiment profité à l’Afrique. D’ailleurs, aucune régulation internationale prônée par cette institution n’a permis au continent de sortir d’affaire à ce jour. Nous pensons notamment aux droits de tirage spéciaux (DTS), dont la région ne bénéficie que de 6% des nouvelles allocations. A titre de comparaison les Etats-Unis, qui émettent autant de dollars qu’il n’en faut, empochent 20%. Pour relever son taux, l’Afrique se voit obligée de rentrer dans des négociations aux conditionnalités très floues. Le pis, c’est qu’on ne découvre le pot aux roses que bien plus tard…