Après 8 jours de débats, Ibrahim Boubacar Keita a refermé, dimanche 22 décembre, le Dialogue national inclusif convoqué pour tenter de mettre fin à la crise malienne qui dure depuis bientôt huit ans. Au cours de ce rendez-vous national, les participants ont formulé des résolutions et des recommandations fortes pour l’avenir du Mali. Il appartient maintenant au gouvernement de les traduire dans la réalité.
Un essai réussi pour IBK ?
Le Dialogue national inclusif (DNI), dont la phase nationale a eu lieu du 14 au 22 décembre 2019 à Bamako, a tenu toutes ses promesses d’après le chef de l’État malien Ibrahim Boubacar Keita. Au cours de la cérémonie de clôture, il a déclaré que « La boussole du Mali nouveau est déjà décidée par le dialogue national ». Dans son discours à la Nation du 31 décembre 2019, il a ajouté que « Sans le succès reconnu par tous du Dialogue national inclusif, 2019 aurait été une année noire ». À cause notamment des attaques meurtrières des djihadistes, dont la stratégie de harcèlement s’est renforcée ces derniers mois.
Des résolutions prises lors du DNI mais pas que…
Notons que quatre résolutions sont sorties du Dialogue national inclusif. La première porte sur les futures élections législatives. Le mandat des actuels députés est officiellement terminé depuis le 31 décembre 2018. Il a été prorogé à deux reprises et prend fin le 2 mai prochain. La résolution demande des législatives avant cette date. Une autre résolution insiste sur l’organisation du prochain référendum et la rédaction d’un projet de nouvelle Constitution, avec la participation de tous. La sécurité pour tous et la relecture de certains articles de l’Accord de paix d’Alger figurent également dans les autres résolutions.
La présentation de ces résolutions a laissé croire que rien d’autre n’était sorti du dialogue. Certainement l’une des seules erreurs du Comité d’organisation qui aurait mieux fait de communiquer sur certaines des recommandations phares à l’origine notamment de la signature de l’Accord politique du 2 Mai par le mastodonte de l’opposition, l’ADP-Maliba. En effet, près de 100 recommandations ont été rendues publiques. Parmi les principales, on note des propositions relatives à la réduction du train de vie de l’État et de la taille du gouvernement, l’adoption d’une loi pour promouvoir les jeunes, la relecture de la loi électorale et de la charte des partis politiques, l’ouverture de négociation avec Iyad Ag Ghaly.
Le dialogue a également abouti à de fortes recommandations pour lutter contre la corruption. On peut lire dans le rapport final que le Dialogue demande de « rendre imprescriptibles les infractions en matière de corruption et de délinquance financière » ou de renforcer « les sanctions contre la haute hiérarchie ».
Quid de l’opposition ?
L’URD du chef de file de l’opposition, Soumaila Cissé a boycotté la rencontre mais cela a été contrebalancé par la présence d’un autre mastodonte de l’opposition, l’Alliance Démocratique pour la Paix (ADP-Maliba), de l’homme d’affaires Aliou Diallo. Malgré ses réserves sur le caractère exécutoire des recommandations, ce parti a fait le choix de participer à l’évènement. Dès leur décision rendue publique, le Président malien a bondi sur l’occasion en faisant une déclaration pour s’engager à mettre en œuvre les conclusions. De quoi conforter l’ADP-Maliba dans sa posture et isoler un peu plus Soumaila Cissé. « Il s’agit du Mali, nous ne pouvons pas refuser de participer à une rencontre pour y partager nos solutions », dira Cheick Oumar Diallo, président des jeunes du parti qui s’est fait particulièrement remarqué lors des assises.
En effet, outre ce cadre du parti, les délégués de l’ADP Maliba se sont fait fortement remarquer en raison de leur énergie et de la pertinence de leurs propositions, à telle enseigne que celles-ci figurent en bonne place dans les conclusions du DNI. Il s’agit de fortes recommandations en faveur de la jeunesse, de l’emploi, de la gouvernance ou encore des infrastructures socio-économiques. Des recommandations qui étaient déjà inscrites dans le programme politique d’Aliou Boubacar Diallo lors de l’élection présidentielle de 2018. Pour les autorités, c’était tout le but de l’exercice : rapprocher les positions des Maliens (opposition, majorité, société civile et groupes armés) afin de dégager des solutions consensuelles et d’aboutir à l’union nationale. Un exercice réussi puisque dès la fin du DNI, l’ADP-Maliba a signé l’accord politique de gouvernance.
Un comité de suivi pour mettre en œuvre les recommandations
Après les discussions de décembre, il appartient désormais au gouvernement de traduire les résolutions en acte. Un gouvernement qui devrait connaître un réaménagement afin de mieux refléter la nouvelle configuration et redonner du souffle au pays. Une rencontre tenue mardi 31 décembre a été d’ailleurs l’occasion pour le Premier ministre Dr Boubou Cissé et les parties prenantes d’échanger sur la tenue du Dialogue national inclusif et de se pencher sur les suites à donner. Parallèlement, un comité de suivi indépendant verra le jour prochainement pour suivre lui-aussi la mise en œuvre par le nouveau gouvernement des recommandations issues du Dialogue national inclusif.