Voilà bientôt dix ans que le terrorisme s’est installé dans le nord du Mali, malgré les opérations des forces françaises et africaines. Les terroristes ont même gagné la sympathie des populations dans certaines localités. De quoi remettre en cause l’approche militaire prônée jusqu’ici. Pour Aliou Diallo, président d’Honneur de l’ADP-Maliba, la solution se trouve ailleurs. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il préconise de combattre l’extrémisme terroriste par l’islam. Une aberration ?
Depuis 2012, le Mali tente en vain de bouter le terrorisme hors de ses frontières. Ses alliés internationaux, dont la France (à travers les opérations Serval et Barkhane) et la CEDEAO, ont certes repris le contrôle de certaines régions aux terroristes, mais ces derniers restent omniprésents dans ces régions. Une situation qui rappelle l’Afghanistan avec les Talibans et les forces américaines. Malgré les leçons de l’histoire et les récents évènements dans ce pays d’Asie du sud-est, au Mali la communauté internationale persiste dans l’option militaire.
« La réalité est beaucoup plus complexe »
Dans une nouvelle tribune sur les réseaux sociaux titrée « Sécurité : au-delà de la réponse militaire, une vision globale pour refonder le Mali », le président d’Honneur de l’ADP Maliba invite les uns et les autres à privilégier d’autres solutions. « La guerre contre le terrorisme et pour la survie du Mali ne se gagnera pas uniquement les armes à la main », prévient-il d’emblée. Il en veut pour preuve l’enlisement des Américains en Irak et en Afghanistan, et celui des Français dans la bande sahélienne. « La réalité est beaucoup plus complexe », analyse l’ex député de Kayes, qui constate, avec amertume, que les djihadistes ont remplacé l’Etat dans certaines localités du Mali. Ils feraient même mieux que ce dernier.
Par exemple, ces terroristes distribuent gratuitement des vivres, des médicaments et assurent la protection des communautés. Les « fous d’Allah » ont donc tout le loisir d’enfoncer leur emprise sur les pauvres populations malmenées par la faim, le chômage et la misère. Les armes ayant échoué depuis longtemps, Aliou Diallo appelle Bamako et ses alliés à changer d’approche. Il propose de se tourner vers l’islam, l’arme la plus puissante à ses yeux contre le terrorisme. Cette suggestion n’est-elle pas antinomique ?
Le Mali, autrefois important centre religieux et intellectuel
Non, d’après l’homme d’affaires malien. Il pense qu’il y a un amalgame au sujet de l’islam et le terrorisme. On croit que ces deux notions sont intimement liées. Pourtant, les musulmans sont ceux que les terroristes tuent le plus à travers le monde. En effet, les combattants extrémistes prônent une lecture tronquée de l’islam originel, celui-là qu’on qualifie aujourd’hui de modéré. Aliou Diallo rappelleque cette religion a toujours symbolisé l’humanisme et les lumières, avec notamment ses grands érudits du Moyen âge. A cette époque-là, le Mali était un grand centre religieux et intellectuel.
Les grands empires se sont ensuite succédés à travers les siècles : empire du Ghana, Mali, Songhaï, etc. Bien plus tard, l’explorateur René Caillié a eu l’occasion d’attester de l’évolution remarquable de ces sociétés lors de son voyage à Tombouctou en 1828. L’islam très humaniste d’alors subsisterait encore aujourd’hui largement en Afrique de l’Ouest. Aliou Diallo appelle donc à s’en saisir comme rempart contre la décadence des valeurs et contre le terrorisme, cette aventure païenne qui rappelle la croisade. « La meilleure arme pour défaire leur folie meurtrière est la piété traditionnelle et les vertus morales séculaires de l’Islam. L’alternative n’est pas le terrorisme ou le nihilisme occidental. N’ayons pas peur, n’ayons pas honte d’être fièrement musulmans », lance Aliou Diallo.
Les Maliens respectueux des autres et de la vie humaine
Le président de la fondation Maliba exhorte donc ses compatriotes à renforcer leur foi et leurs valeurs cultuelles et culturelles. « Cette victoire morale est indispensable » souligne-t-il. L’entrepreneur juge que ce combat est « le plus facile à mener et à remporter » car « la population malienne dans sa grande majorité est exemplaire dans sa piété respectueuse des autres et de la vie humaine ». Elle n’attendrait donc plus que « ses élites se mettent au niveau de leur peuple » pour une osmose nationale. Par ailleurs, conscient que « le Mali est un pays laïc et tolérant », Aliou Diallo invite à rester « ouverts à l’environnement actuel dans lequel nous vivons sans tourner dos à nos traditions et à notre passé ».
Au-delà de cette culture de la piété dans l’islam vrai, le favori à la prochaine présidentielle souhaite l’instauration d’un « dialogue renforcé avec les chefs religieux et les chefs traditionnels, seuls représentants légitimes du peuple ». Il reste convaincu que cela permettra de « reprendre l’ascendant moral sur les groupes armés ». Il semble que Bamako ait décidé de le rejoindre sur ce point. En effet, la junte aurait l’intention d’engager des discussions avec les maliens qui ont pris les armes. Une entreprise qui va s’imposer forcément aux protagonistes, selon le Premier ministre Choguel Maïga. « En Afghanistan, les Américains ont bien fini par discuter avec les talibans », a-t-il récemment déclaré.